Un des sujets de l'atelier d'écriture humoristique des Jongleurs de mots du 17 nov. 2020 était de décrire ce personnage et nous en dire plus que son portrait ne laissait suggérer !
Voici la réponse de Jean-Marc qui l'a très bien connu...
« Des boulots improbables »
Pour une nouvelle, c’est une nouvelle ! Ce matin, j’ai rencontré Machin ! Au moins trente ans que je ne l’avais pas vu. Ben oui, Machin, c’est son nom…Impossible à oublier, un gag à lui tout seul, ce nom. Et puis le reste allait avec : le genre de type à essayer de vendre des bottes en caoutchouc à des bédouins ou faire une plantation d’olivier dans les bayous de Floride. Un brave gars, au demeurant. Après quelques plans fumeux, comme fondeur de cierges usagés à Lourdes ou vendeur de burkinis au Cap d’Agde, il se retrouva finalement au chômage. Ne voulant pas rester sur un échec, il chercha du travail et trouva une femme qui, elle, travaillait : fonctionnaire, dans une administration en ville, le jackpot quoi. Comme il aimait la campagne et qu’elle aimait Machin, elle loua une maison à une heure de voiture de son boulot et se tapait la route par tous les temps. Lui cultivait son jardin, le jour binait sa terre, le soir aimait sa femme. Ils eurent deux enfants.
Inscrit à pole emploi, il cherchait du travail et craignait d’en trouver. Quand on lui en proposait, il expliquait, benoît, que dans sa situation, en charge de famille et vivant dans les prés, il ne pouvait s’inscrire aux stages proposés qui ne correspondaient jamais à du jardinage dans des lieux aérés. Un jour la famille déménagea, je n’en connais plus la raison, mais ce dont je me souviens c’est des arbres qui dépassaient à l’arrière du fourgon car ma fois, il les avait plantés et arrosés et ne voyait pas pourquoi le suivant en profiterait.
Revenu de ma surprise, après nous être congratulés comme il se doit, je lui résumai ma vie, histoire passionnante qu’un jour je vous conterai…
- « Et alors toi, Antoine, raconte ! » (Et oui, il s’appelle Antoine Machin, comme le chanteur cubain).
- « Bé, moi, tu sais (non, mais j’allais savoir). Les enfants ont grandi, ils travaillent les deux. Ma femme est décédée, voilà 15 ans, mais ne m’a rien laissé, ou pas grand-chose.
J’ai du travailler…
J’ai fabriqué des prothèses de pattes pour chiens d’aveugles estropiés, j’ai ouvert un salon de tatouage pour personnes hirsutes, j’ai importé des mygales grillées du Cambodge pour entomophages, j’ai vendu des parfums sans odeur pour asthmatiques, j’ai créé un cabinet d’acupuncture par piqure de guêpes sans venin et bien vois tu, rien n’a vraiment fonctionné… Mais je ne me décourage pas.
Actuellement, je suis en train de racheter un stock de jeans troués, car ils étaient dans un entrepôt où ils ont été rongés par des rats. Les jeans troués ça se vend très bien, tu le sais, c’est la mode. Le stock est à 5000 €, mais à la revente on fait facilement la culbute par quatre… Tiens, j’y pense, on pourrait s’associer, qu’en dis tu ? ».
Partagé entre agacement et envie de rire, j’ai poliment décliné son offre, lui expliquant être trop pris par des activités multiples : vérificateur en Mairie de colis de Noël pour retraités, enseignant d’espagnol pour immigrés roumains, traducteur de hiéroglyphes pour analphabètes et enfin jongleur de mots dans un cirque éphémère, actuellement fermé pour cause de Covid.
Je ne sais pas s’il m’a cru mais malgré mon refus on s’est quitté bons amis. (Jean-Marc B.)